Etre travailleur handicapé dans l’EN - De la propagande…. à la réalité
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Tous les personnels de l’académie ont reçu cette année dans leur boîte aux lettres électroniques (mel ouvert) une invitation à déclarer leur situation éventuelle de travailleur handicapé.
Cette sollicitation s’inscrit dans une campagne de communication intitulée « Mon handicap, j’en ai parlé et j’ai bien fait ! ». Elle est agrémentée d’un lien internet qui mène vers un petit film. Dans celui‐ci, à travers le parcours attachant de quatre professionnels, on fait miroiter aux personnels ayant déclaré leur RQTH (reconnaissance de la Qualité de travailleur Handicapé), la possibilité d’obtenir des adaptations de postes, du matériel ergonomique ou même des reconversions vers d’autres métiers de l’Education.
Une des personnes apparaissant dans le film nous convaincrait presque « L’Education Nationale est un organisme qui te tend la main »….. dit‐elle.
Mais, nous connaissons tous notre employeur, nous savons qu’à ses yeux le bien‐être des agents de l’Education Nationale est très accessoire et vient loin après toutes sortes d’autres considérations.
L’objectif réel de cette campagne de communication est simplement quantitatif. Il s’agit d’inciter les personnes concernées par le handicap à se déclarer afin que l’Education Nationale augmente un peu son pourcentage très faible de travailleurs handicapés. Rappelons que la loi du 11 février 005 fixe à 6 % dans le public comme dans le privé le taux de travailleurs handicapés dans une
entreprise ou une administration. En deçà de ce seuil, l’employeur privé ou public doit cotiser aux Agefiph ou au Fiphfp ; organismes destinés à financer les mesures de compensation du handicap (aménagements horaires, achat de matériel ergonomiques, adaptation des locaux etc.)
Même si l’Education Nationale a réussi à faire amender la loi et à se faire dispenser de cette contribution, au motif qu’elle paie du personnel pour permettre la scolarisation des enfants en situation de handicap, elle sait que pour soigner sa vitrine, il lui faut remonter très nettement le taux de 1,54 % relevé en 2011…. Ce taux est sans doute inférieur à la réalité mais beaucoup de personnes ont si peu confiance en leur employeur qu’elles préfèrent lui cacher leur situation réelle.
Qu’en est‐il réellement des mesures de compensations du handicap prévues par la loi de 2005 ?
Définition du handicap : « Art. L. 114.loi du 11 février 2005 ‐ Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Que dit la loi de 2005 ?
« Art. L. 114‐1‐1. ‐ La personne handicapée a droit à la compensation des conséquences de son handicap quels que soient l’origine et la nature de sa déficience, son âge ou son mode de vie.
« Cette compensation consiste à répondre à ses besoins, qu’il s’agisse de l’accueil de la petite enfance, de la scolarité, de l’enseignement, de l’éducation, de l’insertion professionnelle, des aménagements du domicile ou du cadre de travail nécessaires au plein exercice de sa citoyenneté et de sa capacité d’autonomie.
Quelles compensations ?
« Art. L. 323‐9‐1. ‐ Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés mentionnés à l’article L. 323‐3, les employeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l’article L. 323‐3 d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées, compte tenu des aides qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l’employeur.
« Ces aides peuvent concerner notamment l’adaptation de machines ou d’outillages, l’aménagement de postes de travail, y compris l’accompagnement et l’équipement individuels nécessaires aux travailleurs handicapés pour occuper ces postes, et les accès aux lieux de travail.
« Le refus de prendre des mesures appropriées au sens du premier alinéa peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article Article L1132‐1 »
Quel financement des mesures de compensation ?
Pour les trois fonctions publiques, c’est le FIPHFP qui recueille les 6% de cotisations des administrations ou employeurs publics qui ne comptent pas 6 % de personnels ayant la RTQH… même si l’Education Nationale on l’a dit plus haut, ne cotise pas….. Elle doit monter des dossiers et prendre des mesures de compensation du Handicap pour les agents concernés.
La réalité est évidemment bien autre….
Ecoutons le témoignage de Béatrice, professeure ayant la reconnaissance de travailleuse handicapée depuis 2010.
Depuis 2005 je souffre de problèmes de dos très invalidants. Revenue en Bretagne en tant que TZR (titulaire remplaçante) , j’étais souvent affectée sur des postes assez éloignés de mon domicile. Mes problèmes s’aggravant j’ai demandé à rencontrer le médecin de prévention qui m’a conseillé de demander la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé auprès de la Maison de l’Autonomie (MDA). Selon elle, l’obtention de cette reconnaissance me permettrait d’obtenir des aménagements de mon poste de travail, des aménagements horaires et la possibilité d’accéder à un poste fixe.
En 2010, j’ai obtenu la RQTH, j’ai déclaré mon handicap au rectorat comme on nous encourageait à le faire et j’ai tout de suite demandé à obtenir une priorité au titre du handicap lors des mutations. On m’a refusé cette bonification, arguant que mon handicap n’était pas assez grave.
J’ai donc conservé mon statut de TZR et malgré un courrier du médecin de prévention au rectorat insistant sur mes difficultés à me déplacer, et la nécessité de m’affecter au plus proche de mon domicile, j’ai été affectée sur deux établissements distants de 20 kilomètres, sans compter la distance séparant les deux établissements de mon domicile. On m’a également « demandé » d’effectuer 21 heures de cours par semaine. En cas de refus, on m’aurait affecté encore plus loin m’a‐t‐on dit de manière extrêmement menaçante.
Lorsque j’ai appelé le responsable de la DPE (Division des personnels Enseignants) , on m’a recommandé pour la première fois, mais pas la dernière, de déménager et de venir vivre près de mon poste. J’ai travaillé dans douze établissements dans des communes différentes ces dernières années alors où devrais‐ je m’installer ? Mon médecin a dû m’arrêter près de trois mois cette année‐là.
En 2011, j’ai à nouveau demandé à obtenir une priorité ou un aménagement au titre du handicap. Nouveau refus. Nouveau courrier et nouvelles recommandations du médecin de prévention au rectorat pour obtenir une affectation sur un seul établissement au plus proche de mon domicile. Cette fois j’ai été affectée sur deux établissements distants de 50 kilomètres, avec deux heures de trajets quotidiens.
Le rectorat n’a pas accepté la demande de révision d’affectation que j’ai formulée alors. Malgré les recommandations du médecin de prévention, et un courrier d’alerte envoyé au rectorat, rien n’a été fait pour me permettre de travailler dans des conditions gérables au vu de mon état de santé. Mon courrier d’alerte m’a une fois de plus attiré des propos menaçants.
Parallèlement, j’ai demandé à bénéficier en septembre 2011 d’un aménagement de mon poste de travail. Il s’agissait essentiellement d’obtenir un fauteuil adapté à ma pathologie conformément aux recommandations du médecin. En septembre 2012, je n’avais toujours pas obtenu cet aménagement, le rectorat affirmant n’avoir pas les fonds nécessaires.
A la rentrée 2012, on m’a à nouveau refusé la bonification au titre du handicap, j’ai à nouveau été affectée sur deux établissements. J’ai bien eu un fauteuil ergonomique mais il m’a été retiré au bout de quelques semaines pour des raisons que j’ignore !
Mon handicap, j’en ai parlé ! Le rectorat n’a rien fait !