Suppléant dans l’enseignement privé : la précarité organisée !
popularité : 29%

- un article du Trait d’Union, le journal de nos camarades de la CGT Enseignement privé
Si les postes de suppléants dans les établissements du 1er degré de l’enseignement privé ont longtemps été un moyen privilégié d’entrer dans le métier, force est de constater que la donne a changé depuis quelques années. On peut aujourd’hui devenir suppléant en CDI sans espérer voir le bout du tunnel, ni gagner décemment sa vie.
Petit rappel : pour être suppléant, il faut être titulaire d’une licence (le master 2 sera exigible à partir de 2015) et obtenir un pré-accord collégial. S’il trouve un poste à temps complet, le suppléant effectue le même temps de service qu’un titulaire, à savoir 24 heures/semaine pendant 36 semaines + 108 heures réparties tout au long de l’année. La seule différence, et non la moindre, c’est la rémunération. En effet, un suppléant ne bénéficie d’aucune ancienneté. Qu’il travaille un an ou dix, son salaire ne variera pas. En 2013, un suppléant touche moins de 1450 euros brut, soit moins de 1200 euros net ! Mais de quoi se plaignent-ils, ils ont toutes les vacances !
Cette précarité, la CGT la dénonce depuis de nombreuses années mais se heurte au mutisme des différents ministres de l’Education Nationale, toutes tendances confondues. Pourtant, la validation des acquis permettrait de faire entrer dans le métier des professionnels qualifiés qui cumulent pour certains d’entre eux plus de 10 années d’ancienneté. Ne serait-il pas judicieux d’intégrer ces professionnels reconnus qui ont su faire leurs preuves sur des postes pour le moins difficiles (postes parfois composés de 4 quarts-temps sur 4 écoles avec des niveaux différents, décharges de direction, suppléances de 5 jours, d’un mois, etc…) ?
Les dernières mesures de résorption de l’emploi précaire sont nettement insuffisantes. Certes, un CDI est proposé aux suppléants ayant cumulé 6 années d’ancienneté au cours des 8 dernières années. Mais le suppléant ne doit pas avoir subi d’interruption de plus de 4 mois, quand bien même cette interruption est un congé maternité. Et que dire des suppléants des établissements sous contrat simple (IME, ITEP…) qui ne peuvent comptabiliser leurs années dans l’ancienneté nécessaire à l’obtention de ce CDI ? De plus, ce statut de contractuel n’offre qu’une très légère hausse de la rémunération et le suppléant n’a toujours pas droit à l’ancienneté.
Depuis 2012, un examen professionnel réservé, le RAEP (reconnaissance des acquis de l’expérience
professionnelle) permet à certains suppléants d’obtenir un contrat provisoire, puis de devenir titulaires. Là encore, beaucoup d’espoirs ont été déçus. Pour avoir le droit de se présenter, il faut justifier de 4 années d’ancienneté mais surtout avoir été en poste entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2011. Si le suppléant était à l’époque sans contrat, tant pis pour lui !
Et si ce suppléant vient à bout de ce véritable parcours du combattant, il a de fortes chances d’être nommé dans un autre département en fonction des postes vacants restants.
Si le ministère de l’Education Nationale est à juste titre critiquable, il ne faut pas pour autant dédouaner l’enseignement catholique (principal « consommateur » de suppléants) de ses responsabilités. Comment une institution, qui prône le respect de la personne comme valeur principale, reste-t-elle aussi insensible au devenir d’enseignants qui lui ont rendu autant de services ?
Cette même institution qui a si bien su montrer son influence lors des négociations pour la convention collective des personnels OGEC. On peut également s’interroger sur la quasi disparition des postes ouverts au concours interne. Un suppléant non éligible au RAEP mais justifiant d’une ancienneté de 10 ans n’a aujourd’hui pas plus de chance de devenir professeur des écoles qu’un étudiant titulaire d’un master 2. Il y a fort à parier que dans les années à venir, l’enseignement privé se retrouve face à une pénurie de suppléants pour ses établissements du 1er degré. Ils sont en 2013 des dizaines, voire des centaines à ne pas avoir de poste. Qui peut croire qu’ils en attendront sagement un ? Comment peuvent-ils espérer intégrer l’enseignement privé si toutes les portes annexes leur sont fermées ?
Des collectifs suppléants s’organisent dans toute la France, notamment en Bretagne et en Pays de la Loire. C’est le sentiment de profonde injustice qui les unit. Mais ils ne seront écoutés que si les organisations syndicales les soutiennent et exigent de nos instances dirigeantes un vrai débat sur la précarité dans l’enseignement privé. La CGT a toute sa place dans ce débat, la défense des plus défavorisés étant un des piliers de notre action.