Covid-19 : se protéger du virus, malgré une gestion irresponsable de la pandémie
popularité : 8%

Déclaration lue lors de la séance extraordinaire du CHSCT départemental de Seine-Maritime, spéciale registre santé et sécurité au travail, le 20 mai 2021.
Avant d’évoquer le seul point à l’ordre du jour de cette séance extraordinaire du CHSCT, nous tenons à nous exprimer sur la catastrophe sanitaire en cours et à redire plusieurs choses simples et évidentes.
Premièrement, cette épidémie de Covid-19 est très grave. Nous vivons depuis fin 2019 une catastrophe sanitaire mondiale, une pandémie qui frappe des millions d’individus dans leur chair et qui aurait pu être d’une ampleur effroyable si des mesures exceptionnelles n’avaient pas été prises dans l’urgence et la précipitation. Et celle-ci n’est pas finie, peut-être n’en sommes-nous qu’au début.
Deuxièmement, la vie humaine, c’est précieux, et toute vie humaine étant précieuse, la priorité des priorités doit consister à protéger les citoyen⸱nes et les travailleur.ses. de la mort et de la maladie. Les considérations économiques et budgétaires, aussi importantes soient-elles, doivent passer après la protection de la vie et de la santé.
Troisièmement, face à un virus aussi contagieux, dangereux et mortel, il faut prendre le temps d’écouter et de lire les scientifiques et les médecins. Face à ce virus, à la mort, à la maladie et à la souffrance, la science et la médecine demeurent notre principale boussole.
Pourtant, une fois cela exprimé, force est de constater le fossé qui sépare la nécessité de protéger la santé de la population et l’action des autorités publiques et du patronat.
Ainsi, alors que le virus continue à circuler activement, à tuer chaque jour dans notre pays et que la plupart des scientifiques recommandent la plus grande prudence, pointant le risque d’une quatrième vague, la priorité du moment semble être le retour tête baissée et le coeur joyeux au monde d’avant : croissance et compétitivité économiques, accroissement des profits, profondes inégalités sociales, discriminations raciales, religieuses et de genre, surconsommation, pollutions et dégradation de l’environnement.
La CGT Educ’action 76 s’inquiète de la propagation des discours complotistes, populistes et covido-sceptiques, souvent alimentés par l’extrême droite via les réseaux sociaux, ainsi que de la complaisance, de la démagogie et d’une forme de populisme sanitaire dont font preuve l’Exécutif et un certain nombre de responsables économiques, politiques, intellectuels et médiatiques. « Vivre avec le virus », cela ne signifie pas qu’il faille accepter entre 100 et 300 morts chaque jour sous prétexte de retrouver le monde d’avant et avant même d’avoir suffisamment vacciné et mis en place une stratégie de tests enfin efficace. Il paraît que le président de la République a envisagé un temps, lorsque le cap des 100 000 morts français de la Covid a été franchi, de rendre hommage aux morts. Quelle indécence, lui qui porte une lourde responsabilité dans cette surmortalité liée à la Covid-19 !
Dans l’Education, l’absence de stratégie et de politiques efficaces pour éradiquer le virus se traduit encore et toujours par une prise de risques inacceptable pour les personnels et les élèves. Nous ne reviendrons pas à nouveau sur l’ensemble des défaillances dont sont responsables le ministère et les collectivités territoriales : nous l’avons déjà dit et écrit d’innombrables fois. Pour autant, nous restons stupéfait⸱es que plus d’un an et demi après le début de la pandémie, plusieurs aspects essentiels de la lutte contre la propagation du virus soient toujours si défaillants :
- l’aération et la ventilation des locaux tout d’abord : comment expliquer une telle absence de moyens et de politique coordonnée afin de supprimer la contamination par aérosols ? Pour la CGT Educ’action 76, il faut aérer, aérer, aérer, et pour cela, donner des moyens humains et matériels, et donner toute l’attention et les moyens nécessaires pour faire des personnels, des élèves et de leurs familles des acteurs conscients et solidaires face à la prévention du risque lié aux aérosols ;
- Les masques : comment se fait-il que les personnels et les élèves ne soient toujours pas équipés de masques aux normes - et nous pensons tout particulièrement aux risques encourus par les AESH et les personnels de maternelle qui ne disposent ni de FFP2 ni de masques chirurgicaux face à des élèves non masqués - alors qu’il n’y a plus de pénurie de masques et que les prix ont considérablement baissé ? Il s’agit donc bien d’un choix conscient et assumé par le gouvernement et qui se paye en termes de malades et de vies.
- Les tests : quand allons-nous enfin bénéficier, pour le grand profit de toutes et tous, d’une stratégie de tests efficace et massive ? Tester, tester, tester, mais efficacement, en suivant les recommandations des meilleurs épidémiologistes comme Catherine Hill qui préconise depuis un an des tests groupés afin de tester massivement et systématiquement. Il est également nécessaire d’avoir du personnel formé et en nombre suffisant pour pratiquer ces tests.
C’est ainsi que l’on pourrait petit à petit retrouver une vie « normale ». Mais en matière de protection sanitaire de la population française, le président de la République continue à penser et à agir comme un Gaulois réfractaire. Non seulement il n’a jamais envisagé la mise en place d’une stratégie zéro-Covid, la plus efficace sur les plans sanitaire, économique et démocratique, comme l’a récemment montré une étude publiée le 28 avril dans la revue The Lancet mais au contraire, le président de la République s’est plutôt distingué par le zéro stratégie Covid. C’est ce que montre un récent rapport de l’Institut Molinari, dont le mensuel Alternatives économiques et l’économiste Eloi Laurent ont rendu compte le 12 avril dernier : rapport véritablement accablant pour l’Exécutif français, mais passé inaperçu dans la plupart des medias. Parmi les 20 pays les plus durement frappés par la pandémie depuis un an et demi, la France a raté tous les moments-clés de la pandémie, la première vague, les masques, les tests, la deuxième vague, les vaccins et la troisième vague, contrairement aux autres pays les plus touchés et a ainsi perdu sur tous les tableaux : mortalité, dégradation de la santé mentale, récession économique, explosion de la pauvreté et restriction des libertés publiques et individuelles. Nous avons en tête tout cela en nous exprimant, d’où notre profonde colère et notre dégoût face à ce « moment trumpien » de la présidence Macron.
Et nous avons tout cela en tête également en examinant l’ordre du jour de ce CHSCT. Comment ne pas s’étonner que le déni de la science, le ralliement aux positions de l’extrême droite (et les mensonges sur l’insécurité qui exploserait en dépit des chiffres qui montrent plutôt une baisse tendancielle dans notre société), le pari sur l’indifférence de la population à la souffrance des malades et des soignant⸱es, le cynisme à l’égard d’une hécatombe que l’on tente par tous les moyens de minimiser, comment ne pas s’étonner que cela ne rejaillisse à tous les niveaux de la société ainsi que dans l’Education nationale ? Dans notre département, il n’y a toujours aucune politique de prévention des risques professionnels dans les écoles et les établissements scolaires. Certes, quelques points ont connu des avancées, parmi lesquelles la mise en place du Registre Santé et Sécurité au Travail dématérialisé et le fait que de nombreux collègues s’en emparent et rédigent des fiches ; la communication récente au CHSCT des accidents du travail et des maladies professionnelles au CHSCT ; les journées de formations, initiale cette année et annuelle par la suite, à destination des assistant⸱es de prévention. Mais cela ne fait pas un programme de prévention des risques professionnels et ne permet guère de garantir un haut niveau de santé, de sécurité et de qualité des conditions de travail pour les quelques 20 000 personnels de ce département.
Face aux centaines de fiches SST remplies par les collègues du département, nos questions sont nombreuses et nous attendons des réponses concrètes et urgentes :
- quelles mesures l’Administration prend-elle pour assurer de bonnes conditions de travail dans plusieurs écoles et établissements où certains collègues semblent appeler au secours une hiérarchie qui n’apporte pas de solution (notamment l’école Hélène Boucher à Gruchet le Valasse, l’école de St-Eustache la forêt, l’école Louis de St-Just au Petit-Quevilly, l’école Sonia Delaunay à Dieppe, collège Mandela à Elbeuf, collège Pierre-Mendès France à Lillebonne...) ?
- Comment l’Administration agit-elle face aux nombreuses situations de violence physique subies par les personnels, en particulier par les AESH ?
- Comment l’Administration intègre-t-elle dans un éventuel programme de prévention des risques ces nombreuses situations de travail dégradées et consignées dans le RSST ?
- Comment va-t-elle former les personnels, et en particulier ses cadres qui sont responsables de la sécurité et des conditions de travail mais ne sont pour la plupart guère formés ?
- Quand l’Administration va-t-elle enfin intégrer le rôle des organisations du travail dans la souffrance au travail, ce que préconisait déjà clairement le Sénat dans un rapport de 2012 portant sur l’Education nationale ?
La CGT Educ’action 76 n’a pas d’autre priorité au sein de ce CHSCT que de permettre à tous nos collègues de travailler en bonne santé afin que chacun contribue à la noble mission qui est la nôtre : enseigner, transmettre des connaissances et faire de nos jeunes des citoyens libres et altruistes.
Le CHSCT est l’instance privilégiée pour agir avec ef-fi-ca-ci-té. La CGT Educ’action 76 y apporte sa contribution avec exigence et de la manière la plus unitaire possible avec nos camarades des autres organisations syndicales. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner.